Colloque 10 et 11 janvier. Unesco. La justice du 21 ieme siècle

Programme

Rubrique "Justice du 21ème siècle"

Les transformations de la société française constituent un enjeu majeur pour l’institution judiciaire. De profondes évolutions ont entraîné de fortes demandes de justice. Les traditions séculaires, la consécration de la loi, le strict respect de la procédure, ne suffisent plus aujourd’hui à fonder la confiance des citoyens dans la justice.. http://www.justice.gouv.fr/la-justice-du-21eme-siecle-12563/programme-des-journees-12588/atelier-4-26252.html

Par l’effet d’une réelle inflation législative, par des standards européens qui viennent bouleverser les législations pénales et civiles les mieux établies ainsi que les organisations judiciaires, par la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, la force de la loi est questionnée. Enfin, le respect des procédures n’est plus seulement un argument de légitimité puisqu’il n’est pas non plus un rempart contre les erreurs de jugement.

Comment répondre à ces enjeux ? Les acteurs judiciaires y font face, intégrant progressivement de nouveaux contentieux, ajustant leur fonctionnement aux besoins des citoyens, faisant évoluer leurs pratiques professionnelles et leurs métiers, réussissant à statuer dans des délais raisonnables dans bien des domaines.  Mais, ces efforts d’amélioration de la gestion et l’organisation du travail ont été trop ponctuels ou sectoriels. Tournés vers le traitement des contentieux de masse, délaissant la demande nouvelle des citoyens pour un traitement plus personnel, ces efforts n’ont pas permis de répondre pleinement à l’enjeu de modernisation de la justice et de son adaptation aux transformations de la société.

Le Président de la République, dans son allocution lors de l’audience solennelle de la Cour de cassation, le 18 janvier 2013, a fait de la justice de proximité une de ses priorités pour la Justice. D’abord une proximité géographique, permettant à la justice d’être au plus proche des citoyens et de leurs besoins ; ensuite, une proximité concrète permettant d’assurer au citoyen une réponse effective, efficace et efficiente à ses demandes ; enfin, une proximité personnelle, lui permettant de mieux comprendre le processus judiciaire et d’être l’acteur de ses droits.

C’est la raison pour laquelle Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice a souhaité, au-delà de certaines mesures urgentes et immédiates nécessaires pour répondre à la difficile situation des juridictions, conduire plusieurs réflexions pour placer le citoyen au cœur des réformes de la Justice.

Quatre enceintes de travail réunissant praticiens de la justice et organisations professionnelles ont été mises en place :

  • l’Institut des hautes études pour la Justice a été chargé de mener une réflexion ayant conduit à la publication en mai dernier du rapport  « La prudence et l’autorité, l’office du juge au XXIème siècle » ;
  • Pierre Delmas-Goyon, conseiller à la Cour de cassation, préside le groupe de travail sur les magistrats du XXIe siècle ;
  • Didier Marshall, Premier Président de la cour d’appel de Montpellier, préside le groupe de travail sur les juridictions du XXIe siècle ;
  • Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de cassation, préside la Commission pour la modernisation du ministère publique.

En s’appuyant sur l’ensemble de ces travaux, ainsi que sur le rapport d’information réalisé par Mme Virginie Klès et M. Yves Detraigne, sénateurs, la garde des sceaux, ministre de la justice a souhaité l’organisation d’un débat national permettant une réflexion et des échanges approfondis sur les moyens d’améliorer le service rendu aux citoyens et les conditions d’exercice de leurs missions par les professionnels de justice.

Cet évènement réunira à Paris tous les acteurs de la vie judiciaire : magistrats, fonctionnaires, avocats et professions juridiques, partenaires institutionnels et associatifs de la justice, représentants des usagers – ainsi que les milieux universitaires et de la recherche, les autorités politiques et administratives et l’ensemble de la société civile. Centrés sur les juridictions judiciaires, les débats permettront d’identifier également certaines problématiques partagées avec les juridictions administratives, qui seront elles aussi associées à cet évènement. Organisés en ateliers thématiques, les échanges permettront de débattre des différents thèmes abordés par les travaux préparatoires. Chaque thème sera introduit par la présentation d’expériences ou d’analyses françaises ou étrangères et fera l’objet d’un compte-rendu présenté en séance plénière qui identifiera les principaux points de convergence et de divergence résultant de ces débats.

 

VENDREDI 10 JANVIER 2014

08H00 – Accueil des participants

09H00 – Ouverture par Martine COMTE, Première présidente de la cour d’appel d’Orléans et Dominique LE BRAS, Procureur général près la cour d’appel de Rouen, chargés de coordonner le comité de pilotage des réformes judiciaires : le processus de réformes judiciaires.

09H30 – Ouverture par Monsieur Jean-Marc AYRAULT, Premier Ministre.

10H00 – Introduction générale : Justice du 21èmesiècle : faire face aux enjeux contemporains : comment les institutions peuvent-elles et doivent-elles s’adapter pour répondre aux demandes des citoyens dans les sociétés démocratiques modernes ? Analyses croisées.

Animateurs : Martine COMTE et Dominique LE BRAS

Intervenants :

  • Pierre ROSANVALLON, Professeur au Collège de France :comment définir les demandes d’impartialité et de proximité exprimées par les citoyens aujourd’hui, comment se redessine la légitimité démocratique ?
  • Fabienne BRUGERE, Professeur de philosophie à l’université de Montaigne, Bordeaux, Présidente du conseil de développement durable de la communauté urbaine de Bordeaux : comment faire un monde commun quand s’exprime fortement une demande de reconnaissance des individus dans leur singularité ?

11H00 L’image de la justice dans l’opinion publique : évolution dans le temps et comparaisons européennes.

Président de la table ronde :Jean-Pierre SUEUR, Président de la commission des lois du Sénat.

Intervenants :

  • Jean-Paul JEAN, Avocat général près la Cour de cassation, Professeur associé à l’université de Poitiers, Président du groupe des experts de la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice, Conseil de l’Europe.
  • José Juan TOHARIA, PhD, professeur, président de Metroscopia, institut de sondage, Espagne.

11h45Être magistrat, fonctionnaire de Justice et avocat au 21èmesiècle : quels défis ? Quelles perspectives ? La vision des jeunes professionnels de la Justice :

Président de la table-ronde :Jean-Paul DELEVOYE, Président du Conseil économique, social et environnemental.

Intervenants :

  • Sarah OLIVIER, Auditrice de justice, déléguée de la promotion 2012 ;
  • Laura MILLAN, Greffière stagiaire, Promotion « Simone Veil », en cours de formation,
  • Narit CHHAY, Greffier en chef stagiaire, délégué de la promotion « Germinal Garriga », en cours de formation,
  • Florent VERDIER, Avocat au barreau de Draguignan, en exercice depuis un an.

12H30 – Déjeuner (panier–repas) offert sur place.

14H00 – 18H00 – Ateliers : chaque atelier est divisé en sessions déclinant le thème principal. Chaque session est introduite par 2 à 4 intervenants français ou étrangers présentant une pratique, une analyse ou une recherche illustrative.

ATELIER 1Comment assurer une bonne adéquation entre juridictions, contentieux et  territoires ?  ATELIER 2 Comment mieux travailler ensemble pour plus de lisibilité et d’efficacité pour les citoyens ? ATELIER 3Comment permettre aux citoyens et à leurs conseils d’être davantage acteurs de leurs parcours judiciaires ? ATELIER 4Comment reconnaitre les nouveaux modes d’exercice de la justice ? ATELIER 5Comment mieux garantir la protection des intérêts de la société et les droits et les libertés de l’individu ?

 

Atelier 4

Comment reconnaitre les nouveaux modes d’exercice de la justice ?

Rubrique "Justice du 21ème siècle"

A côté du procès traditionnel qui se caractérise par une audience publique collégiale ou à juge unique, différentes formes de justice se sont développées, particulièrement la justice de cabinet1 qui est devenue majoritaire  en matière familiale, de justice des mineurs, en matière de tutelles et dans le cadre de l’application des peines. Cette évolution s’observe jusque dans l’exercice des poursuites (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, composition pénale…). Ces « nouvelles formes de justice » se caractérisent par la recherche de l’engagement, voire de l’acceptation de la décision par le justiciable.

Cet atelier se propose de mener une réflexion sur des pratiques judiciaires qui évoluent et des décors de justice qui s’adaptent, et d’examiner quelles évolutions sont possibles.

1 Le terme « justice de cabinet » est employé pour caractériser des audiences marquées par un rapport entre magistrat et justiciable plus personnel et une dimension plus intimiste qui se distingue de l’audience « traditionnelle » tenue en salle d’audience avec un formalisme plus marqué.

 

VENDREDI 10 JANVIER 2014 14H00 – 15H45

Vers une justice plus apaisée

Les « nouvelles formes de justice » exercées par les juges des enfants, les juges aux affaires familiales, les substituts, les juges des tutelles, etc, sont parfois présentées ou ressenties comme des formes « dégradées » en référence à une vision plus traditionnelle. Leurs principales caractéristiques – magistrat statuant seul, recherche du consentement ou de l’adhésion du justiciable, responsabilisation, et reconnaissance de ses capacités – ne permettent-elles pas de construire une nouvelle symbolique de Justice ? Comment reconnaître et légitimer de nouvelles modalités d’exercice de la Justice ?

Dans toutes les formes de Justice, l’explication de la décision constitue un enjeu essentiel : quelle pédagogie envisager à l’audience ? Dans l’écriture d’un jugement ? Dans sa communication et sa présentation ? Comment développer une accessibilité véritable au droit et à la justice ?

Président de session : Antoine GARAPON, Magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études pour la justice.

Intervenants :

Antoine GARAPON, Magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études pour la justice, co-auteur du rapport La prudence et l’autorité : l’office du juge au 21èmesiècle, mai 2013

Benoît EYRAUD, Anthropologue :respect de la dignité des personnes, office tutélaire.

Denis CHEMLA, Président de Droits d’urgence : l’accès au droit des personnes les plus démunies.

Pascal PRACHE, Procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Agen : les évolutions des pratiques du magistrat du ministère public au regard de ces « nouvelles formes de justice »

 

VENDREDI 10 JANVIER 2014 16H15 – 18H00

La justice de cabinet : des exigences propres ?

Le développement de la justice de cabinet constitue par excellence le lieu de ce type de justice centrée sur la personne et a été identifié par l’Institut des hautes études pour la Justice comme une pratique prudentielle.  Comment les modalités d’exercice de cette forme de justice peuvent-elles être précisées, voire institutionnalisées ou codifiées ? Cette formalisation est-elle nécessaire pour reconnaître à ces formes de justice toute leur place au sein de l’institution ? Comment reconnaître sa juste place à la victime, notamment dans ces formes de justice ?

Comment favoriser les méthodes de travail – débriefing, concertation, « guidance », intervision…- qui facilitent l’exercice de cette mission ? Comment définir les modalités d’un travail plus collectif ? Comment concilier un exercice solitaire du métier avec une réflexion collective ? Cette justice de la relation intervient fortement dans l’intimité des personnes et vise à recueillir leur accord. Quelles sont les garanties qui doivent s’appliquer dans ce cadre ? Quelle place faire aux avocats et aux greffiers ?

Président de session : Marc BOLLET, Président de la conférence des bâtonniers.

Intervenants :

– Florent CHAMPY, Directeur de recherches au CNRS : sociologie des professions, la notion de prudence dans le travail professionnel.

Jérôme LESNE-MENARD, Greffier placé au service administratif régional de Paris : le rôle du greffier en audience de cabinet.

– Jean-Pascal THOMASSET, Directeur de l’AVEMA (association d’aide aux victimes et de médiation de l’Ain) : quelle place pour la victime dans le cadre de ces nouvelles formes de justice ?

– Denis SALAS, Magistrat, Directeur scientifique des cahiers de la Justice, revue de l’Ecole nationale de la magistrature : la pratique prudentielle.

 

SAMEDI 11 JANVIER 2014

La symbolique du lieu de Justice

L’architecture judiciaire – des palais de justice aux bureaux des magistrats et fonctionnaires en passant par les locaux des avocats – traduit-elle ces évolutions des rituels judiciaires ? L’espace et son organisation permettent-ils de comprendre la procédure et le rôle de chacun ?

Le principe de publicité de l’audience contredit-il le développement de formes de justice plus intimistes et participatives ?

La Justice s’exerce dans des lieux qui veulent garantir à la fois l’impartialité et la sérénité des débats et du processus de décision et en même temps une grande proximité et accessibilité. La Justice exercée « hors les Palais » doit répondre à de fortes garanties et s’adapter aux besoins des justiciables. Comment concevoir les audiences foraines ou la délocalisation de lieux de décision de justice répondant à ces objectifs ?

Intervenants :

  • Laurence DUMOULIN, Chargée de recherche au CNRS : l’impact de la visioconférence sur les audiences.
  • Antoine GARAPON, Secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la Justice : comment  l’architecture judiciaire permet-elle l’identification d’un lieu de justice ?